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JLG / JLG Autoportrait de décembre

1994

Avec : Jean-Luc Godard, Denis Jadot. 1h02

JLG/JLG Autoportrait de décembre commence comme un chant funèbre, quelque part entre un deuil revendiqué et une mort à venir. C'est du moins ce que la voix de gorge de JLG, venue de loin nous annonce. Un autoportrait, genre peu cinématographique, un genre de retour sur soi, animé par un mouvement interne difficile à saisir, un surplace qui avance en même temps. Reconstruction d'un cosmos intime, avec ses démons familiers et ses gestes domestiques.

Thierry Jousse dans les Cahiers du cinéma n° 489, mars 1995:
"
JLG/JLG est mû par un double mouvement : pouvoir capter en même temps l'idée elle-même et ce qu'il y a avant, d'où elle vient, et comment elle se noue, s'associe, son chemin vers la logique et d'une certaine manière sa résonance musicale. C'est comme ça que l'on peut entendre la double ou triple voix de Godard dans le film, une voix de saint et une voix de démon, une voix d'enfant et une voix d'adulte, ou, pourquoi, pas, de vieillard, une voix intérieur et une voix du dehors. Il y a Jeannot, et cet imbécile de JLG, un Godard qui se cache et un Godard qui se révèle.

Pour échapper au règne généralisé du visible, il faut bien traquer l'ombre, l'aveuglement, le foyer d'où naît la lumière et où elle se cache, où elle meurt et renaît. Ainsi donc Godard filme-t-il souvent JLG dans la pénombre, et aussi dans les beaux paysages déserts de la Suisse d'enfance- les chemins sous une neige éblouissante, les vagues sur le lac comme une mer en hiver, rarement aussi fantomatiques que dans ce film. Pourtant rien de sombre, ni de mortuaire ici, malgré les apparences. Quelque chose de presque serein traverse même cet autoportrait peuplé de fantômes. JLG ouvre un livre puis un autre : Le crève-cœur d'Aragon, De la Certitude de Wittgenstein, La lettre sur les aveugles de Diderot-. Bandes-son de Rossellini, Rozier, Ray, Barnet. Dimension Shakespearienne "Kingdom of France", Heidegger avec Sein und Zeit.

Si une première partie peut être constituée par la mémoire et guerre, une seconde fait une large place au commerce. Elle est plus bouffonne, plus acérée. Godard s'habille de tenues invraisemblables, joue au tennis se laisse visiter par les contrôleurs du cinéma. IL veut sauver l'humanité (...)"

Je vous salue Sarajevo lettre vidéo diffusée lors de la soirée thématique de Arte sur la Bosnie :

" Car il y a la règle et il y a l'exception. Il y a la culture qui est la règle, et il y l'exception, qui est de l'art. Tous disent la règle, ordinateur, T-shirts, télévision, personne ne dit l'exception, cela ne se dit pas. Cela s'écrit, Flaubert, Dostoïevski, cela se compose, Gershwin, Mozart, cela se peint, Cézanne, Vermeer, cela s'enregistre, Antonioni, Vigo. Ou cela se vit, et c'est alors l'art de vivre, Srebrenica, Mostar, Sarajevo. Il est de la règle de vouloir la mort de l'exception, il sera donc de la règle de l'Europe de la culture d'organiser la mort de l'art de vivre qui fleurit encore à nos pieds. Quand il faudra fermer le livre, ce sera sans regretter rien. J'ai vu tant de gens si mal vivre, et tant de gens mourir si bien."

Citations extraites de l'émission de radio, Le bon plaisir à propos de JLG/JLG. Godard se plaint :

"On ne fait pas de rapprochement. Le jour de l'anniversaire du ghetto de Varsovie, Le général français Morillon, commandant des casques bleus festoyait à Sebrenisca. Une idée, une autre idée, une bobine, une bobine, laquelle entraîne l'autre. On a une image et si on a une image, on a une pensée, on a un jugement. Voilà pourquoi était fait le cinéma. Le cinéma ne juge pas, il est comme le juge d'instruction, il étudie le dossier, après il y a le jugement."

Le cinéma est fait pour enregistrer de la pensée sous une certaine forme de visible. Et, ayant enregistré cette pensée ou ces pensées, les mettre en relation selon une idée, un sujet ou une simple histoire, une simple anecdote. De manière à pouvoir faire, soit un spectacle...mais de temps en temps, soit à émettre un jugement. Le fond du cinéma, qui n'a jamais pu être vraiment appliqué, c'est le montage qui est de mettre en relation une chose avec une autre. Ce que fait le juge d'instruction ou le médecin. (...) Le cinéma peut ainsi figurer les vérités historiques ainsi la stéréo peut figurer une relation entre les peuples (Mettre en relation ce que les Allemands ont fait aux juifs et ce que les israéliens font subir aux palestiniens.)

Le vrai miroir de l'homme c'est la page blanche

Au tennis il y a autant de plaisir à être passé qu'à ne pas l'être. J'ai rejoué au tennis parce que c'est un sport où l'on renvoie la balle. Où on ne cherche pas à la garder pour soi.

Comme l'a dit Bresson : un jour, le son et l'image se sont rencontrés et ne se sont plus quitté. Le son raconte autre chose que l'image qui se suffit à elle-même. Tous les grands films tiennent sans le son.

Une citation existe, comme un arbre. On peut s'en servir comme d'un bien commun.

Commande de la Gaumont, pour ses 100 ans fêtés au Moma. Le film se compose d'extraits filmés par Godard qui se filme lui-même dans une sorte de journal intime avec une petite caméra DV comme celles utilisées alors par Lars von Trier.

La neige au bord du Leman lance le film. Image forte de Godard enfant aux contrastes approfondis. Cette image répond à un article d'Alain Bergala, "Godard a-t-il été petit ?" s'interrogenat pour savoir si Godard avait eu une vie hors du cinéma à un moment où il n'existait aucune photo connue du cinéaste avant l'adolescence. Le film prend acte de la défaite de la civilisation et de l'Europe. Sarajevo rapelle à Godard la seconde guerre, vécue à dix ans et lui procure un sentiment proche d'une mélancolie de l'histoire.

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