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Palombella Rossa

1989

Avec : Nanni Moretti (Michele Apicella), Silvio Orlando (le coach), Mariella Valentini (la journaliste), Alfonso Santagata (le 1er importun), Claudio Morganti (le 2ème importun), Asia Argento (Valentina), Eugenio Masciari (l'arbitre) Mario Patanè (Simone), Antonio Petrocelli (le fasciste), Remo Remotti (le coach adverse), Fabio Traversa (l'ami de Michele), Giovanni Buttafava (le psychanalyste), Gabriele Ceracchini (Michele enfant), Luisanna Pandolfi (la mère de Michele). 1h29.

dvd

Faisant pour des enfants des pitreries au volant de sa voiture, Michele a un accident. Devenu amnésique, il se retrouve au bord d'une piscine avec des joueurs de water-polo. Resurgit de son passé une activité de haut responsable politique au sein du Parti Communiste, qui lui vaut d'être sur la sellette face à des journalistes au cours d'une émission de télévision. Du passé aussi ce souvenir d'enfance encore traumatisant : paniqué par la peur du grand bain, il voulait pratiquer un autre sport que le water-polo, mais on l'y contraignit. Obnubilé par cette pensée, il se fait prendre la balle, ce qui va aggraver le score en faveur de l'autre équipe, nettement supérieure à la sienne, ne serait-ce que parce qu'elle compte dans ses rangs le redoutable joueur hongrois Imre Budavari. Un ami vient lui rappeler des souvenirs d'adolescence : initiation à la vie militante, chasse aux jeunes fascistes, conspués et trainés en public. Harcelé par une journaliste au vocabulaire faussement "branché", il l'évince vertement et a des mots avec sa propre fille, Valentina.

Le match dégénère, en partie par la faute de l'arbitre, qui semble favoriser l'autre équipe. Un ami (trop) bienveillant et empressé finit par présenter à Michele celui qui, dit-il, a tout changé dans sa vie. Celui-ci dit à Michele qu'il devra marquer 163 buts au cours de sa vie sportive, et puis mourir. Quatre ou cinq aujourd'hui suffiront. Michele les marque et permet à son équipe de rattraper son retard. Un penalty leur est accordé, mais l'arbitre n'avait pas sifflé. Avant qu'il le retire, tout est soudainement suspendu : public et joueurs se précipitent devant un téléviseur, hystériquement tenus en haleine par la fin du film Le Docteur Jivago. Puis le match reprend. Michele vise à droite, et tire à gauche. Mais le gardien de but ne se laisse pas surprendre et arrête le penalty.

Tout à ses obsessions, Michele fait une embardée en voiture en compagnie de Valentina. Une sorte d'énorme ballon rouge s'élève dans les airs. Michele enfant et sa mère tendent les bras comme pour l'attraper.

Michele est devenu communiste "un peu par affection, un peu par désespoir" (scènes en super8). Etre communiste s'était "être avec d'autres personnes qui croient comme toi à certaines choses, participer à un mouvement qui essaie de transformer la réalité". Aujourd'hui la situation a changé et la transformation du monde passe par une position moins radicale qui permettra de rassembler les forces de progrès. Sont ainsi renvoyés à leurs postions intransigeantes tous les infatigables bavards qui rodent autour de la piscine, gauchistes staliniens, fascistes, catholiques. Tous inquisiteurs, tous certains de détenir la vérité, tous coupables de "parler mal, penser mal, vivre mal".

Pour gagner, il aurait suffit de s'en tenir à la tactique du coach : "on ne change rien à ce qu'on a dit. On ne cherche pas midi à quatorze heures". Or c'est exactement ce que fait Michele avec ses dribles improbables (premier but) et son changement de tactique au dernier moment lors du penalty final. Il voulait regarder à droite et tirer à droite, or, au dernier moment, il tire à gauche. Le gardien de but ne se laisse pas surprendre et arrête le penalty "Si tu regardes à droite, je pense que tu va tirer à gauche" déclare-t-il ensuite à Michele d'autant plus consterné d'avoir changé d'avis.

Aujourd'hui, la gauche est agressée par les formes dominantes du capitalisme italien. Il est bien loin le temps où c'était les gauchistes qui humiliaient les fascistes dans les universités.

"Le match a été comme il devait être mais j'attendais plus de la vie et mieux. Mieux que cette pizza et ce vestiaire" dira-t-il ensuite comme pour dire que ce n'est pas la société qu'il faut accuser mais la condition humaine par nature fragile et mortelle.

Michele hurle de douleur à chaque fois qu'il revoie à la télé la scène des retrouvailles ratées entre Omar Sharif et Julie Christie dans Docteur Jivago. Il a déjà vu le film, bien sur. Il sait que c'est foutu. Mais chaque fois il espère que le miracle, les évènements vont se dérouler autrement.

Il hurle aussi "Les goûtés de mon enfance ne reviendront jamais plus, le bouillon de poulet quand j'étais malade, les derniers jours d'école avant les grandes vacances.
Ce qui reste, c'est "Trente ans dans l'eau et des saletés dans le nez".

"Les gens ont peur, ils sont maltraités. Ils espèrent en nous. Nous sommes différents et nous sommes pareils. Maman vient me chercher " dira-t-il comme un garçon qui se réfugie dans une enfance fantasmée. L'enfant rit de cette parodie d'homme qui voudrait toujours tendre le bras vers le futur mais qui ne vit que dans la nostalgie du passé.

La balle rouge de La messe est finie...
est le rêve auquel aspire toujours Michele

Jean-Luc Lacuve, le 1er juillet 2009

Test du DVD Editeur : Bac-Films. Juin 2009. Juin 2009. Coffret 5DVD : Caos Calmo, Le Caïman, Palombella rossa, La messe est finie et Bianca. 50 €.

Supplément sur DVD3 : La dernière cliente, documentaire de Nanni Moretti.

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